Aperçu de l’intimidation des électeurs et de la fraude électorale dans le cadre de la campagne Trump
La date fatidique approche (3 novembre 2020)… C’est le moment de faire le point sur la sécurité du processus électoral des États-Unis. Voici nos précédents articles sur les élections américaines :
Deux points sur les élections présidentielles : l’intimidation des électeurs et la fraude électorale. D’abord, une analyse de la façon dont 3,5 millions d’afro-américains ont été profilés par la campagne de Trump, dans un article de Channel 4 (Royaume-Uni). La campagne visait à les convaincre de rester chez eux et de ne pas aller voter en novembre. Un autre article relate comment la campagne a diffusé des messages sur les réseaux sociaux pour faire peur aux électeurs blancs et les encourager à voter pour Trump. Ces articles sont étoffés par des recherches du Washington Post sur un compte Twitter (@WentDemtoRep, supprimé par la plateforme fin août). Ce compte partageait de prétendus témoignages d’électeurs afro-américains prêts à voter pour Trump malgré ses propos racistes.
En 2016, Trump avait inclus dans sa campagne l’adoption de lois visant à dissuader certains électeurs de se rendre aux bureaux de vote. Il avait aussi sollicité la société Cambridge Analytica pour manipuler les données privées d’utilisateurs de Facebook, comme le décrit cet article de TechCrunch. PolitiFact, site de vérification des faits, explique qu’en 2016, suite à diverses campagnes de désinformation sur Facebook et autres réseaux sociaux, de nombreux électeurs afro-américains ne se sont pas rendus aux urnes. Les républicains ne sont pas les seuls à recourir à ces méthodes. En 2012, la campagne d’Obama incluait une application permettant de collecter des données d’utilisateurs privés et de réseaux d’amis. En octobre 2019, Elizabeth Warren a publié une fausse annonce sur Facebook pour souligner le laxisme de la plateforme par rapport aux « fake news ». Ces mêmes méthodes de ciblage sont encore largement utilisées dans le cadre de nombreuses campagnes.
Ce phénomène n’a rien de nouveau
L'intimidation des électeurs remonte à très longtemps : Dans le cadre d’une enquête étalée sur plusieurs années, Robert Mueller a dévoilé que l’Internet Research Agency (organisation russe de diffusion de propagande sur Internet) avait publié plus de 3 500 annonces sur Facebook pour tenter de dissuader les potentiels électeurs afro-américains d’aller voter en 2016. Cette même organisation a également publié une série d’annonces contre les Musulmans et organisé des rassemblements simultanés de camps politiques opposés au Texas. Pour voir certaines de ces annonces, regardez la 20ème minute de « Us vs. Them », un programme PBS (réseau de télévision public à but non lucratif) et le film d’Amazon « All In : The Fight for Democracy » qui documente la longue histoire d’intimidation des électeurs dans le Sud des États-Unis.
Autre élément perturbateur des élections : le plantage des différents systèmes d’enregistrement des électeurs sur les listes, comme pendant la première semaine d’octobre en Pennsylvanie, et peu après en Floride. Dans les deux cas, le service n’a été rétabli que le lundi 5 octobre. En Pennsylvanie, l’incident provenait d’une panne dans un centre de données (qui a également affecté d’autres organismes d’État). Le système d’enregistrement en question a près de 20 ans et n’est plus assez performant pour faire face à l’augmentation massive des votes par correspondance. Ce n’était pas la première fois qu’il tombait en panne : cela s’est aussi produit la veille de la date limite d’enregistrement pour les primaires de l’État. De même, le système d’inscription des électeurs de Floride s’est retrouvé submergé par l’envoi de demandes de vote juste avant la clôture. Cette semaine, des pannes de système se sont également produites en Géorgie où le vote anticipé a commencé (occasionnant de longues files d’attente dans différents bureaux de vote), et en Virginie (où un câble de fibre optique coupé accidentellement a fait planter le site d’inscription).
À l’inverse, dans le Colorado, la population vote par correspondance depuis de nombreuses années déjà. J’ai récemment parlé à Trevor Timmons, directeur des systèmes d’information du Department of State du Colorado, l’organe qui supervise les élections de l’État. Aux primaires de juin 2020, plus de 99 % des électeurs inscrits ont voté par correspondance. L’État gère des centres de données en double pour contrer les éventuelles pannes. Trevor Timmons explique : « Nous effectuons beaucoup de tests de performance pour être sûrs d’avoir une capacité suffisante. Nous ne voulons pas nous occasionner un déni de service pour manque de capacité de traitement ». Pour lui, presque tous les États auraient dû profiter des primaires pour tester leur processus d’envoi.
Autre information, provenant d’une autre enquête : celle du New York Times sur la fraude électorale. Donald Trump avait soulevé cette question dans de nombreux rassemblements, notamment lors de son premier débat avec Joe Biden (fin septembre). Le New York Times écrit : « La fraude électorale est une fiction adaptable, et le Président l’a adaptée au moment présent. Ce n’est qu’une campagne de désinformation remontant à plusieurs décennies. Bâclée, cynique et effrontée, mais souvent très efficace, elle est menée par un ensemble cohérent de personnages avec une histoire cohérente ».
On recense de nombreuses études sur les accusations de fraude potentielle, notamment ce récent message du FBI déclarant n’avoir trouvé aucune preuve directe : « Pendant les élections de 2020, des acteurs étrangers et des cybercriminels ont diffusé des informations fausses et incohérentes via diverses plateformes en ligne afin de manipuler l’opinion publique, de discréditer le processus électoral et de ruiner la confiance en les institutions démocratiques des États-Unis ». Timmons, du Colorado, entend de nombreux citoyens et groupes de pression parler de cas potentiels de fraude, « mais en réalité, nos bulletins de vote sont envoyés par la poste à des personnes bien précises : les électeurs inscrits. L’enveloppe de retour est signée et nous comparons ensuite les signatures ». Timmons déclare qu’il espère dissiper toute incertitude et aider les gens à comprendre le transit des bulletins de vote par correspondance.
Facebook tente de gérer les fausses informations
Dans le cadre de la lutte contre la fraude, Facebook a annoncé qu’il rejetterait les messages annonçant prématurément la victoire d’un des candidats à la présidence des États-Unis. Il supprimera également les messages parlant de fraude électorale généralisée et bannira toute annonce pendant la semaine précédant les élections. Google interdira également les annonces qui seront publiées après la fermeture des bureaux de vote. Au vu des résultats mitigés de Facebook en matière de protection de la vie privée de ses utilisateurs, cette mesure avait été longuement attendue.
Le FBI a publié quelques conseils pour que les lecteurs puissent évaluer tout potentiel message de fraude électorale, notamment :
- Se référer aux fonctionnaires électoraux des États et des collectivités locales pour obtenir des informations sur les bases de données d’inscription des électeurs et les systèmes de vote.
- Se référer aux lignes directrices de la CISA sur la sécurité des élections, publiées l’année dernière et qui décrivent ce que les fonctionnaires électoraux des États peuvent faire pour mieux protéger les élections.
- Considérer avec scepticisme toute déclaration prématurée et non vérifiée.
- Comparer les faits avec de multiples sources de confiance sur la fuite d’informations d’électeurs ou de systèmes de vote.