Protéger la confiance et la vérité dans un monde virtuel

Garry Kasparov 21 mars 2017

Il est facile de trouver n'importe quel point de vue sur Internet. Le problème est que nous n'avons la plupart du temps aucune idée de qui produit cette information ou des motivations qui se cache derrière celle-ci.

Bien souvent, nous faisons plus confiance à nos contacts sur les réseaux sociaux qu’à la publicité traditionnelle et nous croyons plus volontiers tout ce que nous voyons sur un réseau social, qu’il s’agisse d'avis sur un restaurant ou d’opinions politiques.

Une anecdote amusante ou tragique ne représentant aucune tendance a plus de chances de devenir virale qu’une histoire racontée en bonne et due forme et étayée par des analyses et des faits.

Comme toujours, il existe des spécialistes du marketing, des personnes malveillantes, des propagandistes, voire des criminels souhaitant exploiter ces influences psychologiques. La personne qui vous attaque à cause d’un tweet politique pourrait bien être un troll payé ou un robot. Les spams que vous ignoriez dans votre messagerie vous sont désormais présentés dans un flux de médias sociaux digne de confiance.

Les attaques de hameçonnage et les liens malveillants sur lesquels vous ne cliqueriez jamais dans un e-mail anonyme peuvent désormais apparaître sous forme de recommandation de la part d’un ami proche ou d’une célébrité que vous admirez. Ces attaques peuvent même être personnalisées par une IA pour vous cibler ou pour cibler la façon dont vous recevez des recommandations d’achats ou de films.

Mes commentaires fréquents sur la politique et l’actualité mondiale dans la sphère numérique ont souvent fait de moi la cible d’attaques vicieuses venant d’autres utilisateurs laissant des commentaires. Il est souvent évident que ces utilisateurs n’essaient même pas de discuter des idées que je présente. Je suis disposé à débattre, même à mener un échange passionné, et je considère Internet comme un forum sur lequel des camps opposés peuvent présenter leurs convictions et coopérer pour trouver un terrain d’entente.

Malheureusement, les trolls qui dominent fréquemment les sections des commentaires en ligne ne contribuent pas à la progression de ce type de discussion. Le niveau de haine affiché rebute de nombreuses personnes et peut s’avérer particulièrement néfaste pour les plus jeunes. La victoire des trolls mettrait en lumière une facette particulièrement inquiétante de notre nouveau paysage numérique.

Il est de plus en plus facile de trouver sur le Web un point de vue venant étayer toutes les opinions ou presque, aussi improbables ou infondées soient-elles. Le problème réside dans le fait que nous ne savons pas qui produit ces informations et, par conséquent, quelles sont les motivations de leurs auteurs. Nous vantons les mérites d’avoir tant d’informations au bout de nos doigts ; le monde paraît plus transparent que jamais et aucun sujet intéressant n’est hors de portée. Et pourtant, nous sommes étonnamment incapables de dire qui met toutes ces informations à disposition et pourquoi.

Alors, est-ce que l’abondance de faits, entrecoupés de nombreux « faits alternatifs » nous rend mieux informés ou simplement plus confus ?

Lorsque nous parcourons toutes ces données, il vaut mieux garder à l’esprit les éléments suivants, que nous oublions facilement : Il n’existe qu’une seule manière de dire la vérité, mais d’innombrables manières de mentir. Lorsque l’on interagit face à face, il est plus difficile de s’en sortir en mentant. Vous devez regarder votre interlocuteur droit dans les yeux tout en l'induisant en erreur, un exploit difficile pour nombre d’entre nous.

Les médias plus traditionnels ont également intégré plus de protection contre la diffusion de mensonges, comme la responsabilité concurrentielle. Si un journal imprime deux articles totalement contradictoires dans un même numéro, son lectorat soulèvera sans doute des objections quant à la qualité des reportages et tout journal crédible possède une section « Errata », dans laquelle il assume et corrige ses erreurs. Plus aucun doute n’entoure l'origine des articles, ce qui permet de tenir facilement les éditeurs pour responsables.

Cependant, les nouveaux médias ne possèdent pas encore les protections imposées par des limites définies. Il est impossible de parcourir les 6 000 tweets postés sur le site chaque seconde et d’essayer de corroborer ou de réfuter la conception de la réalité de chaque utilisateur. Nous occupons un espace virtuel sur lequel d’innombrables versions absurdes des événements peuvent coexister sans jamais avoir à se chevaucher et n'entraînant jamais une remise en question de leurs auteurs.

Nous sélectionnons nos propres canaux de réalité en suivant certaines personnes et en ne lisant ou regardant que certains médias. Nous vivons dans un monde où nous pouvons créer un cocon d’informations, dans lequel nos interprétations préférées des événements ne sont jamais contestées.

L’état actuel des choses résulte du déplacement de la discussion de notre société vers un nouvel environnement inexploré, Internet, dans lequel les normes régissant la vie publique n’ont pas cours. Le fait qu’une personne puisse rester dans l’intimité de son foyer lorsqu’elle écrit un article sur son blog ne change pas le caractère social profond associé au bouton « Publier ». Si nous ne travaillons pas pour créer un espace dans lequel les avis sont formulés respectueusement et raisonnablement, nous laissons donc le potentiel d’Internet être gâché par ceux qui exploitent son pouvoir par cupidité.

De nos jours, tandis que la majorité adhère aux normes de la décence, des dictateurs sans scrupules parrainent des opérations de trolls répandant la propagande et les régimes répressifs censurent toute forme d’expression libre qui menace leur contrôle. Ces quelques personnes malveillantes exploitent l’espace ouvert qui fait d’Internet une véritable force de transformation.

Cette situation asymétrique entre la majorité des utilisateurs et une minorité de personnes malveillantes se reflète dans des problèmes de sécurité plus concrets. Un simple programme malveillant peut diffuser et perturber les vies de millions de personnes et de sociétés à très peu de frais pour les créateurs. Les réseaux sociaux s’avèrent être un terreau fertile pour les programmes malveillants utilisant l’ingénierie sociale pour exploiter la confiance des utilisateurs envers leurs amis.

Sur Twitter, les attaques de hameçonnage sont nettement plus efficaces que celles envoyées par e-mail. Sur Facebook, cliquer sur ce que vous croyez être le message d’un ami vous transforme rapidement en un autre vecteur du même virus ayant infecté le compte de votre ami. Faux messages, faux tweets, fausses actualités, faux comptes, dégâts réels : il s’agit d’une crise mondiale de sécurité, de transparence et de confiance.

La solution n’est pas un régime règlementaire strict mais une évolution vers la normalisation de certains comportement et le rejet d’autres. Les gardiens de la Silicon Valley et du reste du monde peuvent aider à créer des systèmes qui récompensent les comportements positifs. Des outils plus intelligents aideront à nous protéger des violations de confiance et de sécurité.

Mais, au bout du compte, les problèmes des réseaux sociaux sont des problèmes sociaux, et développer des pratiques sociales prend du temps. Nous pouvons commencer en refusant de tolérer ceux qui dépassent les limites du comportement tolérable. Lorsque nous lisons des mensonges flagrants, nous devons, en tant que consommateurs responsables d’informations, refuser de leur accorder notre attention.

Nous devons exiger le maximum des organes médiatiques respectables en tant que juges de la vérité. Le premier pas vers la reprise en main de notre espace numérique consiste à affronter les vérités déformées de front. Les enjeux sont trop élevés pour permettre aux mensonges de façonner le futur des conversations mondiales.

 

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