Amina vit en Californie avec son mari et leurs deux garçons de 8 et 10 ans. On lui prête une personnalité de type A, ce que reflète parfaitement son poste à responsabilités dans le secteur des biotechnologies. Mais après 18 mois passés à gérer de front télétravail, enfants et organisation de la maison, la jeune femme arrive à saturation.
« La charge mentale est omniprésente », confie-t-elle à Avast. « Faire les courses, préparer le dîner, prendre rendez-vous chez le dentiste, penser aux anniversaires : difficile pour une seule personne de conjuguer toutes ces tâches à la fois. Heureusement, mon mari prend le relais pendant mes heures de travail, ce qui me permet de me concentrer sur mon métier. Mais ensuite, je dois enchaîner sur le reste de ma double journée. »
Ce concept de double journée renvoie aux théories de la sociologue américaine Arlie Hochschild, notamment développées dans son ouvrage The Second Shift de 1989. Elle y décrit le fardeau des parents (le plus souvent les femmes) qui enchaînent travail professionnel et familial (amener et récupérer ses enfants à l’école, s’assurer que le frigo est rempli, s’occuper des lessives, etc.).
Ce phénomène, déjà difficile à gérer en temps normal, touche encore plus durement les parents en télétravail depuis le début de la pandémie. En effet, l’effondrement des structures traditionnelles (le bureau, l’école, les activités périscolaires…) n’a fait qu’empirer les choses.
« J’ai l’impression de tout rater sur les deux tableaux », confesse Sarah, une autre maman de deux enfants travaillant elle aussi dans les biotechnologies. « Mes journées étaient bien plus équilibrées lorsque j’allais au bureau. Ma vie professionnelle était mieux séparée de ma vie de famille, ce qui me permettait de me concentrer plus facilement sur mon travail. »
Amina et Sarah savent qu’elles ont de la chance d’avoir pu garder leur travail malgré la pandémie. Le mari d’Amina, ingénieur en logiciels, a des horaires flexibles qui lui permettent de s’occuper des enfants pendant la journée. L’époux de Sarah, également ingénieur en logiciels, a lui perdu son poste en 2020.
« Je n’aurais jamais pensé dire ça, mais son licenciement est une aubaine », poursuit Sarah. « Sans cela, je ne vois toujours pas comment nous aurions pu nous occuper des enfants. »
Néanmoins, malgré la présence et le « soutien » de leurs maris, les deux femmes continuent d’hériter d’une majeure partie des tâches domestiques et parentales. Depuis son licenciement en août, l’époux de Sarah s’occupe des enfants pendant la journée, lui permettant ainsi à elle de se concentrer sur son travail. C’est pourtant elle qui prépare « 80 % » des repas et supervise le foyer.
« [Mon mari] déteste faire les courses, alors qu’il reste à la maison toute la journée ! C’est un comble ! » Elle poursuit : « Pourquoi devrais-je me rendre au supermarché le samedi, à l’heure de pointe, alors qu’il pourrait y aller en semaine quand il n’y a personne ? »
Mais Sarah voit aussi du positif dans sa situation : la pandémie a permis au couple de rééquilibrer une partie des tâches familiales. « Mon mari est plus présent que jamais », déclare-t-elle, sachant toutefois que les choses se compliqueront lorsqu’il retrouvera un emploi.
« Pourtant, il semble ne rien comprendre à la charge mentale que toutes ces tâches induisent. Il ne voit pas forcément tout le travail accompli en coulisses, comme l’achat de nouvelles chaussures pour les enfants, les rendez-vous chez le dentiste. Il semble penser que tout cela se fait naturellement. »
Un autre point préoccupe particulièrement les deux jeunes femmes : quel effet a sur leurs enfants la présence à la maison des deux parents, alors que ces derniers ne sont pas entièrement disponibles pour s’occuper d’eux ? Amina ressent énormément de culpabilité à cet égard et a du mal à retenir ses larmes.
« La situation est injuste pour les enfants », explique-t-elle. « Je suis vraiment peinée de ne pas pouvoir leur accorder toute mon attention. C’est difficile pour eux de nous avoir à la maison, sans que nous puissions pour autant faire des activités ensemble. Et dès que je peux enfin passer du temps avec eux, c’est la fatigue qui l’emporte. Je suis énervée et je les gronde parfois. Ils voient bien que je suis à cran. J’aimerais tant pouvoir redevenir la personne que j’étais il y a un an. »
Les deux mamans sont soulagées que les petits retournent bientôt à l’école. Mais la rentrée est aussi synonyme d’angoisse, car leurs enfants ne sont pas encore en âge d’être vaccinés.
« Je veux qu’ils reprennent l’école », explique Amina. « Mon plus jeune fils en a vraiment besoin, ne serait-ce que sur le plan social. Mais je suis en même temps terrifiée à l’idée que l’un d’eux tombe malade. »
Pour aller plus loin :
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La pandémie rassemble et exacerbe tous les facteurs de stress professionnel, parental et domestique que connaissent déjà les femmes en temps normal. Pour certaines, il n’est même plus question de « double journée », mais d’un travail 24 h/24 : de quoi amener les mères de famille à saturation.